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MISANDRE
28 mai 2013

Melusine

LA FEE MELUSINE

Textes de Françoise Vandenberghe, diplômée en Histoire et Géographie : Licence, Maîtrise, DEA à Paris IV la Sorbonne. DESS d’Ingénierie de la Formation - Chef de Projet Multimédia à Jussieu. A suivre/to follow on facebook page too : https://www.facebook.com/GloriousWomenPaleolithicAndNeolithicPast

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Introduction, problématique n° 1 : les auteurs confondent les peuples autochtones avec les peuples indo-européens.

 

Photo_Melusine_Bois

Les contes sur la Fée Mélusine ne concernent pas uniquement notre fée poitevine racontée par des auteurs des XIVè et XVè siècles comme Jean d’Arras[i] ou Coudrette[ii]. Ils racontent l’histoire d’une famille très puissante dont le premier seigneur apparaît au XIè siècle, l’histoire de la construction de gigantesques bâtiments en pierre aux XIIè et XIIIè siècles et le lent déclin de cette famille au XIVè siècle. Des contes folkloriques de même essence s’écoutent sur tout le continent eurasiatique, jusqu’au Japon et sur le continent Américain. Des Fées dragons immortelles s’y marient avec des princes mortels. Un auteur contemporain comme Philippe Walter en a fait le recensement. Ce qui n’empêche pas cet auteur, littéraire érudit, d’attribuer le mythe de la Fée et de ses deux sœurs (triade) aux indo-européens et donc à la sacro-sainte division de la société en trois classes, chère à Dumézil[iii] (la fonction du sacré et de la souveraineté, la fonction guerrière et la fonction de production et de reproduction). Pourtant les guerriers indo-européens ont arrêté leurs invasions aux frontières de l’Afrique et à mi-course de l’Inde, sans toucher à la Chine (d’autres peuples cavaliers s’en sont occupés : les Mongols) et encore moins au Japon et à l'Amérique. Cette contradiction est à peine perçue par Philippe Walter, qui sous-entend trop évasivement que le mythe de la Fée pourrait être né dans des Civilisations antérieures aux Indo-européens. Pourtant il évoque lui-même l’importance des monuments mégalithiques (pas du tout indo-européens car bien antérieurs) liés à cette Fée bâtisseuse. Et il assimile la Fée à la toute puissante Déesse des Origines, dont les Fées ou les Sorcières seraient, selon lui, une atténuation patriarcale.

Introduction, problématique n°2 : les auteurs n’ont pas étudié les structures familiales préhistoriques et historiques.

the great goddess jean markale

Le grand spécialiste du monde celtique breton (indo-européen) qu’est Jean Markale tient la même position. Cependant, il avoue plus souvent que les origines de ces contes, dont les premières traces écrites remontent au XIIè siècle seulement (Cf. le conte mélusinien de Gervais de Tilbury par exemple), sont issus de traditions orales bien plus anciennes, attribuées aux peuples mégalithiques. Ces peuples n’ont pas été génocidés (bien que violentés), et se sont assimilés aux envahisseurs indo-européens arrivés vers le Vè siècle BC. Ces deux auteurs contemporains (Walter et Markale), par ailleurs remarquables, évoquent l’origine matriarcale de ces civilisations dont sont issues ces légendes. Mais que veut dire « matriarcale », car en effet, il ne suffit pas de prononcer ou d’écrire ce mot pour en comprendre le sens. Bien que ces auteurs affirment s’inspirer de plusieurs disciplines pour comprendre ces mondes anciens (philosophie, littérature, linguistique, archéologie, anthropologie, ethnologie, sociologie, démographie, géographie, histoire, psychologie, psychanalyse, religions, etc.) et avoir lu un nombre important d’ouvrages pour étayer leurs thèses, ils ne parlent pas de structures familiales qui auraient pu changer au cours du temps. Et c’est pourtant bien de ça qu’il s’agit quand on parle de matriarcats. Quand on étudie les contes mélusiniens, la tâche est ardue pour décrypter la transformation des récits au gré des invasions et des changements de civilisations et de systèmes familiaux. A vrai dire, la question familiale de la définition exacte du matriarcat n’a pas été abordée par les chercheurs. Il faut la développer car elle est toujours confondue avec les familles ultérieures, ou les notions de père et de couple y sont mêlées. Or justement, le "matriarcat" s'entend sans cette pollution paternaliste dans laquelle tous les chercheurs semblent englués.

Les peuples mégalithiques marins

european megalithic map

L’assimilation, voire la confusion, entre les peuples mégalithiques et indo-européens est fréquente. Prenons l’exemple des Vénètes armoricains, qui sont des peuples de la mer (défaite navale des vaisseaux à voile Vénètes contre les galères de César en 56 BC), et sont toujours assimilés aux gaulois indo-européens. Or justement, les peuples de la mer sont issus des peuples mégalithiques dont les cartes de peuplement montrent clairement une origine côtière. Tandis que si l’on regarde une carte des invasions indo-européennes, elles montrent que les indo-européens sont des peuples continentaux qui viennent d’Asie Centrale et sont passés par l’intérieur des terres pour envahir l’Europe entière, une partie de la Russie, la Turquie, l’Irak, l’Iran, l’Afghanistan, le Pakistan et une moitié de l’Inde. Au départ, les indo-européens ne sont pas marins pour un sou. Mais ils se sont assimilés aux peuples côtiers pris par la force, ont acquis leurs techniques de navigation au fil du temps, d’où la confusion. D’ailleurs, même les Vénètes finissent par parler gaulois car tous les peuples autochtones de Gaule ont été vaincus et contaminés par les envahisseurs qui leur imposent leur langage.

Traces de langage des peuples anciens

indo european map invasions

Aujourd’hui, on n’arrive à peine à discerner des traces d’un langage des peuples mégalithiques antérieurs aux envahisseurs, même pas dans la toponymie (si : dans les noms de fleuves car c'étaient des divinités féminines). C’est tout juste si la langue gauloise elle-même possède encore quelques mots reconnaissables (surtout dans les noms de ville conquises), après que les romains aient assujetti la Gaule et assassiné tous les druides, porteurs de la culture celtique. Mais les latins et les Gaulois étant tous des indo-européens, leurs grammaires et  vocabulaires sont de même souche et très semblables. On ne peut donc pas distinguer les éléments spécifiques aux Gaulois. Les linguistes reconnaissent seulement 1200 mots comme étant d’origine incontestablement celtique dans la langue française. Concernant les peuples Mégalithiques, la disparition de quasiment tout leur langage ne s’explique pas autrement que par une disparition forcée. Il nous reste cependant le mot « masca » relevé par Philippe Walter, professeur de littérature française du Moyen Age, comme étant préindo-européen. Ce mot désigne la sorcière, le revenant, le démon. Le « masqué » étant le personnage de l’autre monde[iv]. Cela a donné le mot français masque, et l’on pourrait chercher à bon escient tous les mots français ayant une connotation chamanique ou initiatique, pour retrouver des mots d’origine mégalithique.

Impossible de s’assimiler dans une famille matrilinéaire

Le territoire d’un peuple mégalithique ne peut se prendre que par la force. Car un étranger pacifique ne peut pas s’assimiler. Les hommes et les femmes vivent toute leur vie dans la famille de leur mère et ne se marient pas. Les terres appartiennent aux femmes qu’elles gèrent collectivement sous l’autorité de leur mère. Elles font des enfants avec des amoureux qui ne passent que la nuit et qui ne sont pas ou peu connus par la famille matriarcale. Pendant que les sœurs travaillent ensemble aux champs, à la cueillette, au filage, à la poterie, au commerce, aux repas, leurs frères partent à la chasse ou à la pêche et s’occupent de l’éducation des enfants de leurs sœurs. Les garçons appartiennent donc obligatoirement à la famille de leur mère.

double melusine

Un étranger n’appartient donc à aucune famille et ne peut rester sur le territoire. Il peut coucher une nuit s’il trouve un lit accueillant et des cuisses généreuses, mais ne peut en aucun cas s’assimiler durablement car il n’a pas de famille, il n’a pas de mère pour l’héberger sur ses terres. C’est un vagabond dont on se préserve. La famille ne lui ouvre pas les portes durant la journée et ne lui offre pas à manger. Dans cette famille des origines, les mots ou les notions de « père » et de « mari » n’ont pas cours. Il n’y a pas de couple primordial. Les enfants n’emploient jamais le mot « papa ». Enfin, une fois pour toutes, le « père » primordial cher à Freud n’existe pas. Il n’arrive qu’avec la guerre et les invasions, après plusieurs millénaires sans lui. Et les survivances de traditions matrilinéaires ultérieures s’expliquent grâce à cette hypothèse de départ : la mère règne sans partage et peut déléguer certaines tâches à son frère, c’est l’oncle « roi » des contes. Ce sont toujours les enfants de la mère, surtout les filles, qui comptent dans une succession collective. L’oncle défend cette terre au nom des enfants de sa sœur. Les notions d’oncle et tante avec neveux et nièces, frères et sœurs inséparables, mère et enfants, sont les seules notions de ces familles. Il n’y a jamais de notion de père / fils, qui n’intervient qu’avec les invasions et la guerre à l’Age du Fer (qui oublie ainsi la moitié féminine de l’humanité).

Ruse pour s’assimiler quand même

amour courtois

Que font donc des étrangers pour s’assimiler ? Ils concluent un contrat provisoire avec une dame qui accepte de les héberger pour plus longtemps qu’une nuit. Ils peuvent même rester pendant la journée et vivre au sein de la famille matriarcale qui les accepte, tant qu’ils travaillent pour elle et sont fidèles. Et ce contrat, dont les femmes ne voulaient pas, se met en place avec l’insécurité qui augmente et toutes ces bandes armées indo-européennes qui ne cessent de déferler sur les régions mégalithiques. En effet, bien que les femmes restent souveraines et donc chefs de guerre en leurs domaines (si guerre il y a), les compagnons sexuels s’incrustent car ils proposent leurs services mercenaires. Cependant, ne possédant rien, ils n’ont pas leur mot à dire, et jusqu’à l’époque romaine, ces mariages - que la femme romp à la première incartade du contrat dicté par elle - restent à l’avantage de la dame. Et il suffit que la femme dise « honte sur ta barbe », suprême insulte, pour que l’homme quitte le domicile immédiatement, sans rien, sauf ses armes de chasse, voire de guerre.

 

 

Les frères chefs de guerre sont préférés aux étrangers

guerre_moyen_age

Avec l’insécurité qui augmente, les sœurs préfèrent confier à leurs frères (plutôt qu’à des étrangers) les fonctions guerrières de défense du territoire féminin. Elles continuent ainsi à vaquer à leurs occupations économiques, ayant pour mission d’apporter l’abondance à la maison. Et les frères acceptent de risquer leur vie pour l’héritage des enfants de leurs sœurs. Et les sœurs conservent ainsi leur liberté sexuelle et continuent à préférer les visites furtives qui leur laissent une entière liberté. Il faut préciser qu’avant le mariage, les femmes étaient guerrières également et défendaient leur territoire et leur liberté avec leurs frères. Rarement enceintes, elles pouvaient se le permettre. C’est le mariage qui, en introduisant à la maison le géniteur qui copule à volonté, les rend enceintes très souvent et donc inadaptées à la guerre. D’ailleurs Diodore de Sicile (V, 32) note que les femmes celtes sont beaucoup plus grandes que les romaines « chez les Gaulois, les femmes sont presque de la même taille que les hommes, avec lesquels elles rivalisent en courage ». Nos ancêtres sont en effet beaucoup plus fortes physiquement que nos contemporaines confinées aux devoirs domestiques et conjugaux, dont les muscles se sont atrophiés et la taille réduite. Car cette femme Gauloise a de très beaux restes de ses ancêtres mégalithiques et l’envahisseur a dû composer avec ces fières à bras du bout du monde. Et les mariages celtes gardent longtemps les traits suivants : le fosterage, qui consiste à envoyer les enfants de la sœur dès l’âge de sept ans chez le frère qui s’est malheureusement marié. Celui-ci doit nourrir et éduquer son neveu comme ses propres enfants. Pire, il doit les coucher sur son testament à égalité avec sa progéniture. L’initiation du jeune ne s’achève pas là. L’enfant doit « s’initier aux métiers des armes auprès de femmes guerrières extrêmement mystérieuses, mi – sorcières, ni – amazones, établies généralement dans le nord de l’île de Bretagne, c’est-à-dire dans le pays des Pictes. En Irlande, le récit de l’Education de Cûchulainn, et celui des Enfances de Finn sont les plus significatifs à cet égard ; au pays de Galles, le récit de Peredur, archétype de la Quête du Graal, fourmille de détails archaïques concernant cette coutume »[v].    

Visites furtives chez les Spartiates

Guerriers spartiates

Les coutumes matriarcales de visite furtive perdurent longtemps, même quand les indo-européens doriens imposent le mariage par rapt aux jeunes filles grecques. Plutarque (Lycurgue 23) rapporte qu’à Sparte, le mari ne va voir sa femme qu’à la dérobée, passe très peu de temps auprès d’elle, seulement la nuit, dans l’obscurité, et se retire furtivement avant l’aube. Même après plusieurs enfants, une vie commune de plusieurs années, les époux ne se sont toujours pas montrés en public ensemble. Ce qui était visite furtive de liberté devient ici une contrainte car la jeune fille ne vit plus sur ses terres mais sur celles conquises par la force des armes masculines. Elle ne peut d’ailleurs plus recevoir qui elle veut la nuit, seulement l’homme qui l’a enlevée. Elle est prisonnière et esclave, et la visite furtive n’a plus aucun sens, sauf celui d’un reliquat d’un autre temps où elle aimait qui elle voulait. Reliquat d’un temps où les enfants ne connaissaient pas leur père mais seulement leurs oncles maternels. Cette visite furtive archaïque semble absolument universelle : le peuple des Moso/Na dans le Yunnan chinois, dernier peuple contemporain entièrement matriarcal, la connaît. Les amoureux viennent la nuit et s’en vont au petit matin car ils n’ont pas le droit de vivre avec la famille naturelle, et surtout pas de manger avec elle. Mais les femmes y sont totalement libres d’y recevoir la nuit qui elles veulent, elles changent d’amants à loisir, le mot père n’existe pas, tous les enfants issus de pères différents sont bienvenus, le rapt, le viol et la violence n’ont pas cours.

Achéens, Doriens et Hilotes

monuments de néréides, combat entre grecs et barbares

Et cette société spartiate, malgré le petit reste de pratiques de sociétés matrilinéaires préhistoriques, montre bien ce qui a changé entre les deux civilisations (celle des autochtones et l’autre des envahisseurs). Les invasions achéennes puis doriennes  (indo-européens de première et deuxième générations), hordes masculines peu nombreuses mais meurtrières, ont pratiqué le vol des terres par la force, le rapt des femmes et leur mariage forcé, la filiation par le père sous peine de mort de la femme, la propriété privée transmissible de père en fils, l’asservissement des peuples conquis. Les hilotes grecs résident sur les territoires de la Cité de Spartes, anciens propriétaires collectifs, peuples autochtones des Mégalithes, travaillent dorénavant pauvrement pour les envahisseurs et sont à leur merci comme esclaves vaincus. Ce qui a changé avec les invasions indo-européennes ? L’esclavage, la pauvreté, la violence, la torture, le meurtre, le mariage, la guerre permanente, bref, c’est l’avènement du père et du mari assassins, qui s’approprient les corps et les âmes, le temps, la terre, la vie, l’âme des anciens peuples pacifiques. Qui s’approprient la religion, la divination, la philosophie, la science, les mathématiques, l’astronomie, l’astrologie, le calendrier, l’art, l'architecture, la sculpture, la céramique, les fresques, les danses, la musique, le chant, la poésie, les textiles, les techniques agricoles et pastorales, les jeux gymniques inter-cités, etc. Et qui prétendent avoir tout inventé alors qu’en fait ils n’ont introduit que la pédérastie, le viol des jeunes enfants dans l’éducation, car les femmes enfermées ne sont plus disponibles. La Divinité de la Mère Universelle se voit affublée d’un mari et d’un père, de dieux jaloux et criminels, qui la relèguent à un second plan de fertilité seulement. Seule compte dorénavant la paternité, tous les moyens sont bons pour l'imposer.

Adjonction de Dieux pères et maris aux Mythes

Héphaistos et les Cyclopes forgeant le bouclier d Achille

Les Mythes intègrent ces couches d’invasions : les forgerons étaient supérieurs aux guerriers lors de la première invasion (Achéens) car, de leur savoir mystérieux et secret, dépendait la victoire. Mais la caste des forgerons est détrônée, leur savoir banalisé, quand la seconde invasion (Doriens) arrive, et les guerriers sont devenus la première caste. C’est pourquoi Héphaïstos - le forgeron boiteux - est banni dans les Enfers, et un nouveau mâle céleste le remplace, un pur guerrier, c’est Zeus. Zeus est marié et a un père – Chronos - tandis qu’ Héphaïstos le boiteux n’est pas marié, et l’existence de son père est douteuse. Selon les traditions, il n’aurait qu’une mère, Héra. Pourquoi Héphaïstos est-il doté d’une tare physique ? Cette question est très importante, et concerne également le mythe de Mélusine, car tous ses fils (sauf les nourrissons, ce qui n’est pas un hasard nous le verrons) possèdent des tares physiques très bizarres : d’immenses oreilles ou une oreille plus grande que l’autre, un œil plus haut que l’autre ou un seul œil très perçant, ou une dent monstrueuse de 3 cm qui sort de la bouche. Comme deux des enfants (sur 10) ont des traces physiques d’animaux comme la fouine ou le lion sur le visage, Agnès Echène dans son essai sur Mélusine, pense immédiatement aux animaux totémiques « Ces fils totémisés ne sont pas sans évoquer les animaux totémiques personnels des indiens d’Amérique du Nord ».[vi] C’est bien d’en parler, mais les autres enfants qui n’ont pas de thème animalier, ne font pas partie du totem alors ? Pourtant tous ces enfants ont un point commun : leurs bizarreries portent sur le visage… Et que recouvre cette notion d’animal totémique, le lion et la fouine sont-ils choisis au hasard ? Il faut approfondir le sujet plus loin car les animaux totémiques sont habituellement choisis parmi la faune sauvage de la sylve locale, comme le loup, le cerf, le sanglier. Mais il n’y a que fort peu de lions dans les forêts du Poitou, même à l’époque ![vii]

Des héros « civilisateurs » qui tapent sur tout ce qui bouge

Ocracle de Delphes Pythies

Mais revenons pour l’instant aux dieux grecs. Dorénavant le Panthéon des divinités féminines s’adjoint de force le héros « civilisateur » divinisé à son tour. La Déesse des Origines se voit affublée d’un mari et d’un père qui lui prend toutes ses fonctions. En effet, les hordes, les bandes indo-européennes, les troupes masculines de guerriers, arrivent peu nombreuses mais surarmées et montées de chevaux effrayants, ou attelées à des chars. Hercule/Héraklès est armé d’une massue et tue tous les animaux symboliques de la Déesse durant ses « douze travaux »: serpent, lion, oiseaux…). Son armement primitif témoigne de l’arrivée d’un envahisseur de première génération. Apollon, armé selon les représentations antiques, soit d’une lance, d’un arc, ou d’un glaive (armement plus sophistiqué d’envahisseurs d’une deuxième génération), est le vainqueur du serpent Python à Delphes, serpent divinatoire, symbole de la Déesse-Soleil primitive. Il relègue la Déesse Artémis au rôle de la Lune et prend sa fonction Solaire[viii]. Il place des mâles aux fonctions stratégiques de prêtres qui interprètent les propos divinatoires des Pythies. Les femmes-Pythies restent en place encore quelques centaines d’années, tant l’association de la femme à la divination était mondialement reconnue...

Des guerriers à cheval

guerrier indo-europeen a cheval

Les guerriers indo-européens surarmés, montent à cheval. Il viennent des steppes Russes et d’Asie Centrale (le cheval a été domestiqué au Kazakhstan vers 4500 BC dans la culture Botaï) et Pontiques (entre la Mer Noire et la Mer Caspienne). Leurs invasions sont comparables à celles du continent américain des XVè siècles et ultérieurs. Quelques poignées de conquistadores mâles surarmés et surtout montés sur des chevaux[ix], ont terrassé et génocidé deux continents peuplés de myriades de tribus, celles des Amériques du Nord et du Sud. La vocation de ces envahisseurs est de tuer de l’humain et de voler des territoires entiers, sources de richesses immenses, en y faisant travailler comme esclaves leurs anciens propriétaires collectifs. Leur supériorité de l’armement est telle, leur désir de tuer si puissant, leur avidité si grande, que rien ne leur résiste. La aussi, ils ont rencontré des peuples claniques matriarcaux dont ils ont détruit la gestion collective des terres en imposant le mariage conjugal, donc l’héritage et la propriété privée. Aujourd’hui encore les femmes autochtones américaines souffrent de ces mariages où elles ne sont plus protégées par le clan et où la violence du mari n’a pas de limite.

Partout dans le monde les serpents géants sont tués par les héros

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Mélusine est serpente, elle a aussi des ailes, elle nage également. C’est la Déesse Oiseau-Serpent-Poisson, le dragon mythique, puissante déesse qui réunit les éléments primordiaux de la nature dans sa seule personne. Déesse des métamorphoses, Mélusine a les mêmes attributs que la Déesse des Origines que l’on peut voir vaincue par des héros guerriers en Grèce et partout dans le monde… A Babylone, Marduk, le violeur et envahisseur, détruit le monstre marin et serpentin primordial Tiâmat. En Egypte, le Dieu usurpateur du Soleil Râ est le vainqueur du dragon Apophis, qui se serait opposé à la course du char solaire dans le monde souterrain de la nuit. Thraetaona, héros mythique iranien, a mis à mort un Dragon à trois têtes. Jahvé créa l’Univers après sa victoire contre le monstre primordial Rahab. Dans le Rig Veda, Indra a frappé le Serpent dans son repaire (VI, XVII, 9), etc. Les nouveaux dieux usurpateurs prétendent avoir tué le Serpent Primordial, symbole des Eaux cosmiques, des Ténèbres, de la Nuit, de la Mort et du Chaos pour fonder l’ « Ordre » et la « Civilisation ». L’Inde Védique nous révèle son véritable rôle : c’est le serpent qui soutient le monde. « Le maître maçon taille un pieu et l’enfonce dans le sol, exactement au point désigné par l’astrologue, afin de bien fixer la tête du serpent.[x] » Ainsi, le Serpent est le génie totémique, le génie d’un clan attaché à un terroir. Le vaincre, c’est s’emparer du territoire.

Sauf Mélusine

fee melusine serpent ailes de dragon scultpure pierre

Mélusine n’est pas vaincue ni tuée par les envahisseurs guerriers. Pourquoi ? Voici au moins une raison : la France est un bout du monde, où les invasions indo-européennes sont arrivées le plus tardivement (500 BC) et les envahisseurs, en bout de course, sont très peu nombreux[xi] (en Grèce les invasion doriennes commencent 1000 ans plus tôt, soit en 1500 BC et les couches d’envahisseurs déferlent, imposant leur dictature militaire, les guerres entre cités permanentes, les mariages forcés). En France, les celtes/gaulois ou encore indo-européens composent plus facilement avec les autochtones et adoptent leurs traditions et coutumes car ils ne sont qu’une poignée. Cependant, comme en Grèce, ils remplacent immédiatement par la force les élites de pouvoir : ce sont des rois guerriers qui se marient avec les filles souveraines du pays et imposent leur langage. Ils ne sont pas du tout moins cruels que leurs cousins romains ou grecs, ils tuent à loisir, se battent constamment, et torturent allègrement. Et comme leurs cousins doriens, dès leur arrivée, ils instaurent une guerre permanente qui ne finira que voici près de 70 ans avec la deuxième guerre mondiale (sur le territoire français et pour combien de temps ?).

A suivre...



[i] Jean d’Arras compose son roman en 1392-1394, à la demande du duc Jean de Berry et de sa sœur Marie de France, duchesse de Bar. http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_d%27Arras

[ii] Le Roman de Mélusine a été écrit entre 1401 et 1405 par Couldrette à la demande de Guillaume VII Larchevêque, seigneur de Parthenay et descendant des Lusignan. http://fr.wikipedia.org/wiki/Couldrette

[iii] Georges Dumézil est un linguiste français, spécialiste des religions et des sociétés indo-européennes, né en 1898 à Paris, ville où il est mort en 1986. http://fr.wikipedia.org/wiki/Georges_Dum%C3%A9zil

[iv] Philippe Walter, La Fée Mélusine, le serpent et l’oiseau, Ed. Imago 2008, p. 49.

[v] Jean Markale, La femme Celte, Ed. Petite Bibliothèque Payot, 2001, p. 76.

[vi] Agnès Echène, Mélusine ou l’élimination des tabous, Clausevignes, 12330 Valady, France, 2000, p. 19.

[vii] Ceci est un trait d’humour, il n’y a évidemment jamais eu aucun lion endémique dans les régions françaises. C’est bien pourquoi la question de l’animal totémique mérite-t-elle d’être soulevée, car celui-ci vient d’extrêmement loin pour en être un !

[viii] Jean Markale, La femme Celte, Ed. Petite Bibliothèque Payot, 2001, p. 19.

[ix] Le continent américain ne possédait pas de chevaux à l’arrivée des conquistadores. En effet ceux-ci avaient disparu, comme l’ensemble des animaux géants, lors de la dernière fonte des glaces polaires situées sur l’Amérique du Nord. Cela avait provoqué de grands cataclysmes comme des tsunamis et des inondations sévères. Le Pôle Nord magnétique de la planète a changé brusquement pour aller se placer au Pôle Nord actuel.

[x] Mircea Eliade, Le sacré et le profane, Ed Gallimard, Coll. Folio Essais, 1965, p. 53.

[xi] C’est encore plus vrai pour les îliens, les irlandais et les gallois, les indo-européens y arrivent encore plus tard, encore moins nombreux. Surtout les romains et les saxons ne vont jamais en Irlande, les Saxons n’arrivant pas non plus à envahir la Cornouailles et le Pays de Galles : c’est pourquoi les traditions pré-celtiques perdurent dans ces régions, et reviennent sur le continent avec le Christianisme Irlandais, puis avec les romans courtois des XIIè et XIIIè siècles. La papauté de Rome a ardemment combattu le Christianisme Irlandais au profit du Christianisme Saxon puis Normand.

 

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